La morale hormonale

La morale hormonale

C’est triste à avouer mais il faut bien le reconnaître : l’homo sapiens est essentiellement une usine chimique. Son comportement ordinaire relève de la biochimie, tout autant que ses angoisses métaphysiques. « Au commencement était l’action  » dit Faust : l’intuition de Goethe a depuis lors été confirmée par la science. Chez l’être humain, l’action précède la réflexion, ce qui explique assez largement pourquoi le monde marche cul par dessus tête. Autant dire que les chercheurs ne cessent de traquer toutes les molécules qui gambadent dans notre corps et qui nous font agir avant que notre conscience ne donne une explication plausible à nos actes. En un mot, nous sommes le jouet de nos hormones. L’une d’entre elles fait l’objet d’un intérêt de longue date : l’ocytosine. Celle qui est impliquée dans l’accouchement, qui renforcerait le lien entre la maman mammifère et son petit, et d’une façon générale qui favoriserait la coopération, l’empathie et les relations amoureuses. Un coup de spray d’ocytosine et vous pacifiez la planète : pas étonnant que cette hormone passionne les peace and love, les romanciers et les charlatans.

Une équipe de chercheurs de l’Université de Bonn est allée plus loin dans l’expérimentation. Et aurait démontré que paradoxalement, l’hormone en cause favoriserait la fidélité conjugale. Plus exactement, la fidélité masculine, dont d’autres scientifiques avaient postulé qu’elle était fragile (ce que tout le monde sait), mais surtout inversement proportionnelle à la taille des testicules. Induisant ainsi que la fidélité est d’autant plus solide que la bourse est plate (ce qui n’est pas idiot, vu ce que coûte un divorce). Les chercheurs allemands confirment donc l’ocytosine dans son statut d’« hormone de la morale », ce qui n’est pas l’avis de tout le monde, il faut bien l’avouer. Mais en supposant qu’il y ait un fond de pertinence dans ces travaux, on pourrait expérimenter son utilisation chez les élus. Pas pour limiter leurs désordres conjugaux, c’est leur affaire. Mais pour favoriser la fidélité à leurs engagements de campagne. Imaginons un instant que les promesses électorales soient strictement tenues après l’élection : la face du monde en serait changée, la morale restaurée et les relations sociales pacifiées. Voilà qui pourrait inspirer une nouvelle génération d’activistes : les terroristes de la fidélité. Qui iraient chaque jour faire exploser des bombes d’ocytosine dans les travées du Parlement et dans les bureaux de Matignon et de l’Elysée. Ce serait cool.

La recette du jour

Fidélité en spray

Vous êtes un homme et à ce titre soumis à la tentation fréquente de l’infidélité. Dès qu’une crise survient, faites un footing, un match de boxe ou l’ascension de l’Anapurna. Si ça ne marche pas, inhalez une bouffée d’ocytosine. En cas de nouvel échec, faites-vous une raison : vous êtes incurable. Embrassez alors une carrière politique.

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