Assouplissement de (...)

Assouplissement de l’obligation de sécurité de résultat mise à la charge des employeurs

Dans un arrêt du 25 novembre 2015 (n° 14-24.444), la Cour de Cassation substitue à l’obligation de sécurité de résultat qu’elle imposait jusqu’alors aux employeurs, une simple obligation de moyens.

1. Une obligation légale générale de veiller à la sécurité des salariés

La loi fait peser sur l’employeur une obligation générale de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d’information et de prévention ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens.
L’employeur met en œuvre les mesures précitées sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.


2. Une obligation jurisprudentielle de sécurité de résultat

Depuis 2002, c’est-à-dire depuis près de 15 ans, la Jurisprudence de la Cour de Cassation a mis à la charge de l’employeur une obligation de sécurité de résultat. En conséquence, dès lors qu’une atteinte à la santé d’un salarié était constatée, il en résultait, de facto, que l’employeur n’avait pas respecté son obligation de sécurité, à charge pour lui d’en assumer les conséquences. Il en a résulté une abondante jurisprudence en matière de prise d’acte de la rupture du contrat de travail, de harcèlement moral, d’accident du travail ou maladie professionnelle, de risques psychosociaux etc.
Avec cet arrêt du 25 novembre 2015, la Cour de cassation opère un véritable revirement de sa jurisprudence constante depuis 2002.

L’affaire concerne un chef de cabine de la Compagnie Air France ayant assisté aux attentats du 11 septembre 2001 lors d’une escale à New-York et ayant développé, plusieurs années plus tard, un syndrome anxio-dépressif jusqu’à son licenciement en 2011. Il reprochait à son employeur un manquement à son obligation de sécurité de résultat faute par ce dernier d’avoir prévu un suivi psychologique suffisant après les attentats du World Trade Center.

La Cour d’Appel avait débouté le salarié de ses demandes, ce que valide la Cour de Cassation en posant le nouveau principe suivant :

« Mais attendu que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. »
 
La cour d’appel ayant constaté :

-  que l’employeur, ayant pris en compte les événements violents auxquels le salarié avait été exposé, avait, au retour de New-York le 11 septembre 2001, fait accueillir celui-ci, comme tout l’équipage, par l’ensemble du personnel médical mobilisé pour assurer une présence jour et nuit et orienter éventuellement les intéressés vers des consultations psychiatriques ;

-  que le salarié, déclaré apte lors de quatre visites médicales intervenues entre le 27 juin 2002 et le 18 novembre 2005, avait exercé sans difficulté ses fonctions jusqu’au mois d’avril 2006, a pu valablement déduire l’absence de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

S’agissant d’un attendu de principe d’une décision classée « PBRI » (c’est-à-dire à publier au Bulletin et au Bulletin d’information, à mentionner dans le rapport annuel et à publier sur le site Internet de la Cour de cassation) il faut considérer qu’il s’agit d’un arrêt de principe. En outre, on peut penser que ce virement vise l’ensemble de l’obligation générale de sécurité, y compris donc, par exemple, les situations de harcèlement moral.

a pu valablement déduire l’absence de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

En conclusion, il faut sans aucun doute saluer cette évolution qui aura le mérite de permettre de faire la distinction entre les employeurs soucieux de respecter leur obligation de sécurité en mettant en œuvre tous les moyens possibles pour y parvenir et les autres… Reste encore à déterminer, dans les prochains mois, le degré d’exigence des juges en matière de diligences accomplies par l’employeur pour estimer que ce dernier aura correctement assumé son obligation de moyens. Affaire à suivre….

Par André CHARBIN
Cabinet Capstan
Avocat au Barreau de Grasse
Spécialiste en droit du travail
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