Baux commerciaux : (...)

Baux commerciaux : le bailleur face à la procédure collective du locataire commercial

La situation économique actuelle conduit de nombreux bailleurs à devoir faire face à l’ouverture d’une procédure collective de leur locataire commercial. Cette situation exceptionnelle du locataire entraîne un bouleversement de la relation contractuelle qui fera l’objet de trois études successives : la situation du bailleur lors de l’ouverture de la procédure collective, la relation contractuelle lors de la phase active et les conséquences sur le bail commercial des différentes issues possibles de la procédure collective.

Lors de l’ouverture de la procédure collective, le bailleur commercial se voit confronter à trois difficultés. Il doit nécessairement : déclarer ses loyers impayés auprès du mandataire judiciaire, se préoccuper de l’évolution des éventuelles procédures en cours contre son locataire, et se soumettre à la décision de l’administrateur judiciaire, quant à la poursuite de la relation contractuelle.

Le bailleur doit déclarer sa créance

Comme tout créancier d’un débiteur en procédure collective, le bailleur commercial dispose d’un délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) pour déclarer sa créance auprès du mandataire judiciaire (articles L 622-24 et R 622-24 du Code de commerce).

Le bailleur ne doit déclarer que les sommes afférentes à une occupation antérieure. Pour l’occupation postérieure, il en demande le paiement directement à l’administrateur (art. L 622-17 du Code de commerce).

Par ailleurs, comme tout créancier bénéficiaire d’un privilège, le bailleur est tenu de mentionner, dans sa déclaration de créance, son privilège de bailleur (art. L 622-25 du Code de commerce et 2332 du Code civil) ; à défaut de quoi sa créance sera ramenée au rang d’une créance chirographaire.

Les instances en cours

Le jugement d’ouverture d’une procédure collective interrompt toutes les instances en cours, que celles-ci tendent au paiement d’une somme d’argent ou à la constatation d’une violation d’une obligation de faire ou de ne pas faire (art. L 622-22 et L 622-23 du Code de commerce). Le bailleur doit nécessairement reprendre l’instance en mettant en cause les organes de la procédure, à savoir le mandataire judiciaire et l’administrateur judiciaire.

Lorsque l’instance en cours tend au paiement d’une somme d’argent, la reprise de l’instance n’aura que pour objet d’établir la réalité de la créance et d’en fixer le montant, mais ne pourra, en aucun cas, conduire, s’agissant d’une créance antérieure au jugement d’ouverture, à condamner le débiteur en procédure collective à régler celle-ci (art. L 622-22 du Code de commerce).

Pour ce qui est des obligations non pécuniaires, le droit des procédures collectives n’interdit pas de mener une action, notamment en constatation d’acquisition de la clause résolutoire lorsque les manquements relevés par le bailleur sont antérieurs à la procédure collective (art. L 622-23 du Code de commerce).

La poursuite du contrat

Un contrat en cours ne peut, par le simple fait de l’ouverture de la procédure collective, se trouver résilié. Le bail se poursuit donc normalement et les textes prévoient que les cocontractants doivent remplir leurs obligations, malgré l’ouverture de la procédure collective ou le défaut d’exécution d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture (art. L 622-13 et L 622-14 du Code de commerce).

Par ailleurs, l’administrateur a, seul, la possibilité de mettre un terme au bail dans des conditions spécifiques puisqu’aucune des dispositions en matière de congé, de délai de prévenance ou d’échéance triennale ne doit être respectée. Si le bailleur subit un préjudice du fait de cette résiliation anticipée, il n’a d’autre choix que de déclarer au passif du locataire sa créance pour le préjudice ainsi subi, avec une chance de recouvrement quasi-nulle, s’agissant d’une créance chirographaire (art. L 622-14 du Code de commerce).

Ainsi, l’ouverture d’une procédure collective demande une attention particulière du bailleur pour ne pas tomber dans les différents pièges du droit des procédures collectives. Le déroulement de la procédure collective, sujet d’un prochain article, mérite tout autant de vigilance.

(A suivre)

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