Compte personnel d'activit

Compte personnel d’activité, la réforme difficile

Annoncé comme la grande réforme sociale du quinquennat, le CPA, compte personnel d’activité, promet de continuer à susciter bien des débats, au-delà de la Conférence sociale. Et le délai d’application prévu par la loi sera difficilement tenu.

Parmi les sujets abordés lors de la Conférence sociale du 19 octobre figure le CPA, compte personnel d’activité. Un sujet délicat : depuis que le CPA a été inscrit dans la loi, le syndicat FO (Force ouvrière), par exemple, invoque la prudence, craignant « un nouveau pas vers l’individualisation des droits, au détriment du collectif ». Dix jours avant la Conférence sociale, France Stratégie, l’organisme de réflexion rattaché au Premier ministre, a rendu public son rapport intitulé « le compte personnel d’activité, de l’utopie à la réalité ». Le document détaille les enjeux du dispositif prévu, et esquisse plusieurs scénarios sur les formes qu’il pourrait prendre. Concrètement, en 2017, chaque Français de plus de 16 ans devrait être doté d’un CPA destiné à le suivre tout au long de sa vie professionnelle. A terme, l’outil devrait récapituler la situation d’un individu au regard de différents droits, de nature différente (assurance maladie, compte épargne-temps, retraite, assurance chômage, pénibilité..), tous exprimés en une même unité de points. Le titulaire du compte pourra, par exemple connaître précisément sa couverture au titre de l’assurance maladie complémentaire. Et s’il effectue une formation professionnelle, les points déduits de son compte apparaîtront. Le principe du dispositif : « il s’agit d’attacher les droits aux personnes et non au statut. Les droits suivent les personnes quand elles changent de statut, de situation », synthétise Selma Mahfouz, présidente de la commission « compte personnel d’activité » de France Stratégie.

Une réponse à des trajectoires fracturées

A la base, en effet, note le rapport de France Stratégie, le compte personnel d’activité s’efforce de répondre à une double évolution. D’une part, sur le marché du travail, le « dualisme croissant entre un segment, majoritaire, où prévaut une relative stabilité de l’emploi et un autre où règnent précarité, incertitude et succession de contrats courts ». D’autre part, le numérique, qui remet en cause le modèle de la « mono-activité salariale ». « Il importe donc, de manière urgente, de repenser les dispositifs de protection et d’accompagnement des individus pour un monde où règnera la pluralité des activités et des statuts », analyse France Stratégie. Dans ce cadre, l’objectif du compte personnel d’activité consiste à « construire des outils d’autonomie pour les actifs, pour leur permettre de saisir les opportunités de ces mutations, et de ne pas les subir », argumente Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France Stratégie A ce titre, le CPA vise trois objectifs. Tout d’abord, « décloisonner », explique Selma Mahfouz, pour faire en sorte que les salariés, indépendants, travailleurs du secteur privé ou public soient intégrés dans un système de protection sociale qui facilite les changements de statuts, sans rupture de droit. Deuxième objectif, sécuriser les parcours des individus, et enfin, assurer la solidarité en réduisant les inégalités liées à la formation initiale, ou à un éloignement après une longue maladie. Par exemple, des points supplémentaires pourraient être attribués aux individus les plus fragiles par rapport au marché du travail. Ces objectifs ont plusieurs implications. Ainsi, les droits devront être portables. « Par exemple, un congé parental est aujourd’hui lié à l’ancienneté dans l’emploi. Pour ceux qui enchaînent les CDD, ce droit n’est pas réel, car il n’est pas portable. Avec le CPA, on va porter son ancienneté avec soi », illustre Selma Mahfouz. Deuxième principe, celui de la fongibilité des droits, qui vise à donner plus de liberté aux individus dans l’usage de leurs droits. De cette manière, des droits accumulés sur le compte épargne temps, pourraient être utilisés pour un projet de formation. Dans certains cas et dans certaines limites, des droits à l’assurance chômage pourraient être utilisés pour une formation… « Tout cela doit faire l’objet du dialogue social. (…) il y a un équilibre à trouver entre liberté individuelle et garde-fou collectif », précise Selma Mahfouz. Autre principe de base du CPA, posé par France Stratégie, celui de la réunion de toutes les informations liées au compte dans un seul lieu.

Au rythme de la remise à plat des dispositifs et des débats…

Au delà de l’éventuelle praticité du dispositif pour l’usager, cette démarche pourrait se révéler lourde en conséquences. En effet, c’est toute la complexité de dispositifs qui se sont accumulés au cours du temps qui est potentiellement mise à plat. Exemple : il existe plusieurs listes de formations professionnelles, car il existe plusieurs financeurs. Alors, « l’organisation de la formation professionnelle ne sera pas résolue d’un coup de baguette magique, mais le CPA constitue un possible levier d’évolution », commente Selma Mahfouz. Autre exemple : les prestations sous conditions de ressources. « Elles varient selon des raisons historiques, qui ne sont pas toujours intelligibles. Si tout se trouve réuni au même endroit, cela interrogera les raisons d’être de ces différences et ces complexités », poursuit Selma Mahfouz. Un chantier qui pourrait rendre le CPA long à voir le jour. C’est il y a sept mois, en avril dernier, que le président de la République, François Hollande avait annoncé la création du compte personnel d’activité, présenté comme « la grande réforme sociale du quinquennat ». Le projet a ensuite été inscrit dans la loi Rebsamen, relative au dialogue social et à l’emploi d’aout 2015, qui prévoit qu’en 2017, chaque individu dispose d’un compte « qui rassemble, dès son entrée sur le marché du travail et tout au long de sa [carrière], les droits sociaux personnels utiles pour sécuriser son parcours professionnel ».

Toutefois, conclut le rapport de France Stratégie , « le calendrier fixé par la loi semble court (…) et l’échéance fixée en 2017 devrait être vue comme une étape, significative et porteuse de nouveaux droits, plus que comme un point d’arrivée ». Et lors de sa présentation, Selma Mahfouz soulignait l’importance, sur ce sujet « porteur d’une transformation en profondeur du modèle social », de tenir un débat national.

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