Les contributions sociale

Les contributions sociales ne sont-elles plus dues sur les revenus du capital des personnes qui ne sont pas affiliées à un régime de sécurité sociale français ?

Dans le prolongement des jurisprudences De Ruyter (CJUE et Conseil d’Etat)

L’Administration fiscale française (« l’Administration ») a récemment tiré les conséquences des deux jurisprudences, rendues en matière de contributions sociales (CSG-CRDS et autres prélèvements sociaux) sur les revenus du capital des personnes qui ne sont pas affiliées à un régime de sécurité sociale français :
-  l’arrêt rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne en date du 26 février 2015 intervenant dans le cadre d’un recours préjudiciel (affaire n° C-623-13 – Ministère de l’Economie et des Finances de la République Française contre M. de Ruyter – commenté dernièrement dans notre chronique) ; et

-  l’arrêt rendu par le Conseil d’État prenant acte le 27 juillet 2015 de l’arrêt rendu par la CJUE (intervenant dans la même affaire).

La logique de ces deux arrêts est juridiquement et économiquement imparable : si une contribution (sociale) sert à financer un régime de sécurité sociale, elle ne doit être prélevée, dans une situation transfrontalière qu’en fonction des critères objectifs, conformément aux règlements européens portant sur le non cumul des législations de sécurité sociale des Etats-membres.

L’Administration a donc abandonné sa position antérieure qui consistait à soumettre aux contributions sociales les revenus de source française tirés du capital s’agissant, notamment, des personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d’un autre État membre de l’Union européenne (UE) ou de l’Espace économique européen (EEE) ou à un régime de sécurité sociale suisse.

En effet, dans un communiqué officiel du 19 novembre 2015, l’Administration a prescrit à ses services de ne plus appliquer les contributions sociales sur les plus-values immobilières réalisées par des personnes affiliées à un régime de sécurité sociale de l’un des Etats susvisés.

L’Administration avait également récemment précisé le champ et les modalités de restitution des contributions sociales sur les revenus du capital qui avaient été indûment imposés auprès de ces mêmes personnes (précédent communiqué officiel du 20 octobre 2015).

Il en résulte que les particuliers qui ne sont pas affiliés à un régime de sécurité sociale français (et qui sont assujettis à un régime de sécurité sociale d’un autre Etat de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse) peuvent demander la restitution des contributions sociales acquittés à tort sur leurs revenus du capital.

Les modalités pratiques de réclamation ont été précisées par l’Administration (précédent communiqué officiel du 20 octobre 2015).

Il est à noter que le prélèvement de solidarité de 2 % dû avant le 1er janvier 2015 est exclu de ce régime de restitution dans la mesure où il ne finance pas des branches de la sécurité sociale.

Pour les contribuables n’ayant pas encore saisi l’administration fiscale, les réclamations introduites en 2015 sont recevables dans les limites suivantes :
- s’agissant des plus-values immobilières : les réclamations portant sur des contributions sociales acquittés spontanément à compter du 1er janvier 2013 ;
- s’agissant des impositions recouvrées par voie de rôle (en particulier, des revenus fonciers et plus-values mobilières) : les impositions dont les rôles ont été émis à compter du 1er janvier 2013 ;
- s’agissant des revenus de capitaux mobiliers ayant fait l’objet d’une retenue à la source : les réclamations relatives aux contributions sociales payés depuis le 1er janvier 2013.

Ainsi, les personnes ayant supporté des contributions sociales à l’occasion du paiement d’une plus-value de cession d’un bien immobilier peuvent déposer dès maintenant leur réclamation auprès de la direction départementale des finances publiques où l’acte a été enregistré.

Les personnes remplissant les conditions et ayant acquitté des contributions sociales sur des revenus du patrimoine (revenus fonciers, plus-values mobilières, bénéfices industriels et commerciaux non professionnels notamment en matière de location meublée, etc.) peuvent déposer leurs réclamations au service des impôts dont elles dépendent.

Les réclamations relatives aux revenus 2014 peuvent être déposées dès la réception de l’avis d’imposition 2015.

Ces réclamations peuvent être présentées depuis l’espace Particulier du site internet www.impots.gouv.fr, rubrique « Réclamer », ou par courrier, en y joignant l’ensemble des pièces nécessaires.

Dans tous les cas, la réclamation doit être accompagnée d’un justificatif du montant des contributions sociales indûment recouvrés ainsi que d’un justificatif de l’affiliation du contribuable à un régime de sécurité sociale de l’un des pays visés.

Cependant, il est à noter que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 (qui est en cours d’examen parlementaire) prévoit une mise en conformité du régime français. En particulier, l’article 15 du projet vise à mettre les contributions sociales en conformité avec le droit européen par le biais d’un changement d’affectation budgétaire. La logique serait que ces contributions sociales ne servent plus à financer (directement) les régimes de sécurité sociale français.

C’est la seule réponse technique que le gouvernement a élaborée pour contourner en 2016 la jurisprudence de la CJUE (et du Conseil d’Etat), qui avait assimilé les contributions sociales français à des cotisations sociales en les rattachant directement au financement du système de sécurité sociale français.

Le Sénat a de son côté adopté un amendement (contre l’avis du Gouvernement) qui supprimerait l’imposition aux contributions sociales des revenus fonciers et plus-values immobilières des non-résidents.

La bataille politico-fiscalo-technique et médiatique vient de commencer…

Tout cela ne nous dit pas si à l’avenir cette exclusion du régime d’imposition aux contributions sociales perdurera.

Par Jean-Michel Nogueroles
LEXWELL – Avocat associé, également inscrit aux Barreaux de Barcelone (Abogado) et de Londres (Solicitor)
Enseignant à Sciences Po (Paris)

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