Panama Papers : comment

Panama Papers : comment reconsidérer les fonctions d’un avocat fiscaliste

  • le 19 juillet 2016

Le scandale des Panama Papers du 3 avril dernier a permis de mettre en lumie ?re un certain nombre de de ?tenteurs de participations dans des socie ?te ?s e ?tablies dans des territoires a ? la fiscalite ? plus ou moins privile ?gie ?e. En paralle ?le, la cote de popularite ? et d’inte ?grite ? de l’avocat fiscaliste a chute ?. Force est de constater que la profession d’avocat fiscaliste est mal connue du public.

En effet, gra ?ce au travail d’analyse du Consortium international des journalistes d’investigation de plus de 11 millions de fichiers provenant du cabinet d’avocats paname ?en Mossack Fonseca, une liste de dirigeants politiques, de sportifs, de
milliardaires de ?tenant plus de 200.000 structures offshores a e ?te ? mise a ? jour.
Pour rappel et au regard des re ?gles fiscales franc ?aises, la de ?tention d’avoirs a ? l’e ?tranger n’est pas ille ?gale par principe si les contribuables re ?sidents fiscaux franc ?ais se conforment aux obligations de ?claratives franc ?aises. Ils sont notamment tenus de de ?clarer les comptes de ?tenus a ? l’e ?tranger, directement (1) ou indirectement via une structure interpose ?e (2), le montant des avoirs e ?trangers au titre de l’ISF3 lorsque la base nette taxable est supe ?rieure a ? 1,3m€, et les revenus ge ?ne ?re ?s par ces avoirs. Tout un corpus de re ?gles limite donc le contribuable franc ?ais tente ? par des sche ?mas ille ?gaux permettant d’e ?luder totalement l’impo ?t.

Ainsi, l’Administration fiscale sanctionne en principe les dispositifs fictifs ou ne comportant qu’une re ?alite ? fiscale. Dans cette ne ?buleuse, l’avocat fiscaliste franc ?ais diligent a un ro ?le a ? jouer encadre ? par des re ?gles de ?ontologiques.
La premie ?re re ?gle concerne l’ensemble des avocats et conduit a ? un devoir de prudence obligeant l’avocat a ? conseiller une solution le ?gale. De plus, la re ?gle pre ?cise
clairement « lorsqu’il a des raisons de suspecter qu’une ope ?ration juridique aurait pour objet ou pour re ?sultat la commission d’une infraction, l’avocat doit
imme ?diatement s’efforcer d’en dissuader son client. A de ?faut d’y parvenir, il doit se retirer du dossier »(4).

La seconde re ?gle est issue de l’ordonnance n° 2009-1045 introduisant une double obligation pour les avocats (i) de vigilance a ? l’e ?gard des clients, (6) notamment quant a ? leur identification, l’objet et la nature de la relation d’a aires ; obligation renforce ?e lorsque le client n’est pas physiquement pre ?sent pour e ?tre identifie ?, ou lorsque l’ope ?ration envisage ?e favorise l’anonymat(7) et (ii) de de ?claration de soupc ?on d’infraction, notamment de blanchiment en cas de soupc ?on que les sommes inscrites dans leurs livres ou que les ope ?rations portant sur des sommes dont elles savent, qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberte ? supe ?rieure a ? un an ou participent au financement du terrorisme(8), ou de fraude fiscale(9).
D’autres re ?gles incombent par ailleurs a ? tout avocat fiscaliste. En effet, il a pour mission envers les contribuables non pas de les faire e ?chapper a ? la loi fiscale, mais de les conseiller en vue de les aider a ? se conformer a ? une le ?gislation complexe et mouvante(10). Il n’est pas exempt de proposer a ? son client des sche ?mas d’optimisation fiscale le ?gaux, qui se diffe ?rencient de la fraude fiscale.
C’est la ? tout l’attrait de la profession d’avocat fiscaliste et toute sa force qui le
diffe ?rencie des autres corps de me ?tiers. Cette nomenclature de re ?gles et de limites doit permettre au client d’appre ?cier la latitude dont est porteur son conseil dans le cadre de l’exercice de ses fonctions afin de mettre en œuvre ses affaires.

1Article 1649 A du Code ge ?ne ?ral des impo ?ts.
2Article 123 bis du Code ge ?ne ?ral des impo ?ts.
3Article 885 A du Code ge ?ne ?ral des impo ?ts.
4Article 1.5 du Re ?glement Inte ?rieur National de la profession d’avocat.
5L’Ordonnance n°2009-104 du 30 janvier 2009 est relative a ? la pre ?vention de l’utilisation du syste ?me financier aux fins de blanchiment de capitaux et de
financement du terrorisme, et modifie le Code mone ?taire et financier conforme ?ment a ? la directive n° 2005/60/CE, ainsi que la Loi n° 2004-130 du 11 fe ?vrier 2004 re ?formant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en proprie ?te ? industrielle et des experts en ventes aux enche ?res publiques.
6L’article L 561-5 1. du Code Mone ?taire et Financier modifie ? par l’ordonnance 2009-104 dispose que l’avocat est tenu d’identifier son client ainsi que le be ?ne ?ficiaire effectif de la relation d’affaires. A de ?faut d’identification ou de pre ?cision suffisantes sur l’objet et la nature de la relation d’affaires, l’avocat doit y mettre un terme (Article. L 561-8 du Code mone ?taire et financier).
7Article L. 561-10 du Code mone ?taire et financier.
8Article L. 561-15.-I du Code mone ?taire et financier.
9Lorsque l’un au moins de 16 crite ?res liste ?s par le de ?cret n°2009- 874 du 16 juillet 2009 est identifie ?. Par exemple, l’utilisation de socie ?te ?s e ?crans, dont l’activite ? n’est pas cohe ?rente avec l’objet social ou ayant leur sie ?ge social dans un Etat ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention fiscale permettant l’acce ?s aux informations bancaires, identifie ? a ? partir d’une liste publie ?e par l’administration fiscale, ou a ? l’adresse prive ?e d’un des be ?ne ?ficiaires de l’ope ?ration suspecte ou chez un domiciliataire au sens de l’article L. 123-11 du code de commerce, la re ?alisation d’ope ?rations financie ?res par des socie ?te ?s dans lesquelles sont intervenus des changements statutaires fre ?quents non justifie ?s par la situation e ?conomique de l’entreprise, le recours a ? l’interposition de personnes physiques n’intervenant qu’en apparence pour le compte de socie ?te ?s ou de particuliers implique ?s dans des ope ?ra- tions financie ?res ; les ope ?rations financie ?res internationales sans cause juridique ou e ?conomique apparente se limitant le plus souvent a ? de simples transits de fonds en provenance ou a ? destination de l’e ?tranger.
(10)Audition de Me Ste ?phane Austry, Pre ?sident de l’Institut des Avocats Conseils Fiscaux lors de la se ?ance de la commission des finances, de l’e ?conomie ge ?ne ?rale et du contro ?le budge ?taire de l’assemble ?e nationale du 18 mai 2016 a ? 10h30.

Mai ?tre Louise Rambaud
Avocat au Barreau de Nice

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