Places de marché : quel

Places de marché : quel cadre juridique ? (1/2)

L’expansion des places de marché, nouvelle forme de vente, soutient la croissance du e-commerce. La mise en place d’une marketplace nécessite, néanmoins, de prendre certaines précautions sur le plan juridique et de connaître les règles applicables.

Les marketplaces ou places de marché sont-elles l’avenir du e-commerce ? S’il semble trop tôt pour le dire, différents chiffres militent dans le sens d’une telle évolution : 50 % de croissance pour la marketplace d’Amazon, en 2014, plus de 10 millions de visiteurs uniques sur celle de la Fnac, un quart du chiffre d’affaire de Cdiscount représenté par sa marketplace. La croissance du commerce électronique semble, de fait, tirée par cette nouvelle forme de vente, en pleine expansion.

Encaisser les paiements en toute légalité

Si une incertitude a pu exister, les premières années, sur le cadre juridique applicable aux places de marché en raison des flux de paiement transitant par leur intermédiaire, les règles sont désormais claires… et contraignantes.

L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) a, en effet, été contrainte, du fait de l’évolution croisée de l’économie numérique et de l’économie collaborative à l’origine de l’émergence de ces nouvelles formes de vente, de se pencher sur le cas des marketplaces, au regard des obligations relevant du Code Monétaire et Financier (CMF). Il est ressorti de sa réflexion que les places de marché, plateformes de commerce électronique agissant en qualité d’intermédiaires des acheteurs et des vendeurs, entraient dans le champ d’application de la directive 2007/64/CE relative aux services de paiement (DSP), et ne pouvaient en sortir que dans l’hypothèse où elles ne permettent d’accéder qu’à un réseau limité de biens et services.

Dans ce contexte, l’exercice d’une activité d’encaissement de fonds pour le compte de tiers, telle que celle menée par les places de marché, est susceptible de relever de la règlementation des services de paiement. En effet, la fourniture de services de paiement peut-être retenue dès lors que deux conditions sont réunies :

- des fonds sont collectés ou réceptionnés sur un compte bancaire appartenant à l’auteur de la collecte ;
- l’auteur de la collecte ne reçoit pas des fonds pour lui-même, mais en qualité d’intermédiaire, dans le but de les reverser à leur véritable destinataire.

En conséquence, sauf à être éligibles à l’exemption réservée aux plateformes proposant une offre thématique ciblée (telle que le jardinage ou le bricolage, par exemple) il s’agit, pour les éditeurs de marketplaces, soit de demander un agrément auprès de l’ACPR en qualité de prestataire de services de paiement, soit de recourir à une plateforme sécurisée de paiement elle-même agréée (telle que MangoPay, Lemonway ou encore Ingenico).

Sécuriser les rapports contractuels avec les vendeurs

Le vendeur souhaitant référencer sa boutique sur la marketplace doit accepter les conditions contractuelles proposées par l’éditeur de la plateforme. Sa participation à la plateforme peut, ainsi, être conditionnée à un agrément préalable de l’éditeur, notamment lorsque celui-ci entend sélectionner les vendeurs, ou assurer à certains d’entre eux une exclusivité dans un domaine ou sur un segment de marché particulier.

Une attention particulière doit également être portée par la plateforme quant aux modalités de rupture avec les vendeurs référencés. En effet, l’article L 442-6 du Code de commerce, sanctionnant la rupture brutale de relations commerciales établies, s’applique en la matière. Cette hypothèse a été rappelée, en 2011, par le tribunal de commerce de Paris, au sujet d’un vendeur qui avait vu sa boutique, accessible sur la plateforme Pixmania, fermée du jour au lendemain. Il a obtenu une indemnisation à hauteur d’un million d’euros, en raison du non-respect par la plateforme d’un délai de préavis suffisant (1).

Par ailleurs, la présence sur les marketplaces de distributeurs engagés contractuellement dans un réseau de distribution exclusive ou sélective peut également être à l’origine de difficultés particulières. En effet, certains contrats interdisent à ces distributeurs d’être présents sur les places de marché.

Le Conseil de la concurrence avait, dès 2007, estimé conforme aux règles de concurrence l’autorisation donnée à la vente sur de telles plateformes, lorsque celle-ci n’était conditionnée qu’à l’obligation, mise à la charge du distributeur agréé, de faire respecter par la plateforme des engagements destinés à préserver la notoriété des produits et l’image de marque de ceux-ci.

Il a également validé les contrats de distribution contenant une interdiction, pour le distributeur, de créer une boutique sur une plateforme de vente dont le nom, la dénomination, le logo et, d’une manière plus générale, tout signe distinctif, serait de nature à déprécier l’image de marque des produits distribués (2).

Cette perception a été confirmée par un avis postérieur pris par l’Autorité de la concurrence, rappelant la possibilité, pour les fabricants, de refuser valablement d’agréer les sites de mise en relation, lorsque les places de marché n’apportent pas de garanties suffisantes quant à la qualité et à l’identité des vendeurs, dans des conditions susceptibles de faciliter les reventes illicites hors réseau, ou la vente de produits contrefaits, et de nuire à l’image du réseau concerné.

D’une manière générale, la contractualisation avec des plateformes ayant la capacité de satisfaire aux critères qualitatifs des produits semble désormais actée (3).

Définir la responsabilité de la marketplace dans les rapports entre vendeurs et acheteurs

La plateforme intervient, le plus souvent, en simple qualité d’intermédiaire permettant à l’offre et à la demande de se rencontrer.

Les contrats de vente sont conclus directement entre acheteurs et vendeurs, la marketplace se gardant bien de s’impliquer dans l’exécution des contrats conclus. Il lui reviendra, toutefois, de rappeler certaines règles applicables en la matière, telles que les restrictions apportées à la vente de produits interdits ou sujets à restriction (armes, alcool, médicaments etc…).

La responsabilité de la plateforme se limite, en pratique, à la parfaite exécution par ses soins des engagements contractuels qu’elle souscrit, d’une part avec le vendeur (hébergement et référencement de sa boutique virtuelle et fourniture d’éventuels services associés) et avec les utilisateurs (fourniture d’un outil permettant d’accéder à des produits).

Certaines plateformes vont toutefois jusqu’à proposer à leurs utilisateurs des conditions générales de vente types, destinées à harmoniser les pratiques en la matière et s’assurer de leur conformité légale, ou même le support logistique pour la livraison.

(A suivre : les obligations de la marketplace à l’égard de ses utilisateurs)

(1) TC Paris, 1ère Ch., 13/09/2011
(2) Décision n°07-D-07 du 08/03/2007 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits cosmétiques et d’hygiène corporelle
(3) Avis de l’Autorité de la concurrence n°12-A-20 du 18/09/2012 relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique

Photo de Une : The History of Internet Marketing : The Marketing Revolution

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