Compte-rendu Conférence

Compte-rendu Conférence "la Ville Résiliente" le 24 juin 2015 à Nice organisée par l’Observatoire de la Ville / Fondation Bouygues Immobilier

Dans le cadre de l’édition 2015 d’Innovative City, rendez-vous européen majeur dans le domaine des villes innovantes, connectées et durables, l’Observatoire de la Ville, sous l’égide de la Fondation d’Entreprise Bouygues Immobilier, a organisé une conférence en tant que partenaire sur le thème novateur de « la Ville Résiliente » qui a mobilisé une soixantaine d’acteurs académiques, institutionnels, architectes, urbanistes sociologues
et citoyens.

Intervenants (de gauche à droite)  : Ignasi Fontanals Vidal, co-fondateur et CEO de OptiCits.com , Alain Bourdin, sociologue-urbaniste, Christine Voiron, Professeur, Université de Nice Sophia Antipolis/CNRS UMR Espace Nice, Christian Devillers, architecte-urbaniste, Pierre-Jean Barre, Directeur de l’IMREDD et Bénédicte Grosjean, Dr.IR.Architecteurbaniste, enseignant-chercheur à l’ENSAP de Lille (laboratoire LACTH)

Valérie Petitbon, Administratrice de la Fondation d’Entreprise Bouygues Immobilier, en ouverture de session, a rappelé la mission et les nombreuses initiatives menées par l’Observatoire de la Ville depuis son lancement –publications, expositions itinérantes à l’instar de celle qui s’est tenue à Nice en 2014, conférences thématiques publiques.

« Ces débats permettent aux citoyens en participant aux réflexions prospectives urbanistes et socio-environnementales conduites par des experts de contribuer
à bâtir la Ville de demain et à l’enrichir par leur propre vision novatrice. ». Elle a ensuite invité en préambule l’auditoire et Christian Devillers, premier intervenant à s’interroger d’emblée sur la notion même de « Résilience »…

« Résilience » : quelle définition pour la Ville ?

Architecte-urbaniste, Christian Devillers prend comme exemple le grand incendie de Londres en 1666, un an après l’épidémie de peste qui tua 80 000 personnes. « Faute d’instruments juridiques pour opérer un remembrement. La ville fut reconstruite sur son plan ancien mais en brique et pierre avec de nombreux aménagements locaux qui feront de Londres « The Unique City » (Rasmussen). L’incendie tua très peu de gens mais détruisit les rats et les puces qui propageaient la peste ce qui
explique peut-être qu’il n’y aura plus de grande épidémie à Londres.
Cet exemple montre que la résilience urbaine ne consiste jamais à revenir à l’état initial mais plutôt à un état stable et que paradoxalement une grande catastrophe peut conduire à une modernisation tout en conservant une partie de la forme urbaine (ici les tracés parcellaires). Accessoirement on note que la peste et l’incendie
font ici système. Les villes sont aussi l’objet de catastrophes lentes comme la désindustrialisation qui fit de Roubaix une des villes les plus pauvres de France mais qui se régénère lentement par la rénovation de ses quartiers pour récréer une mixité sociale. Plus généralement les villes résistent au vieillissement en se
reconstruisant par parties. La ville est par nature résiliente, c’est même l’ancien et le plus grand exemple de résilience d’une création humaine.
Cette résilience est à analyser de façon systématique, multi scalaire et diachronique. »

Face à la crise, quelle attitude adopter : prévenir ou subir ?

Pierre-Jean Barre, Directeur de l’IMREDD (Institut Méditerranéen du Risque, de l’Environnement et du Développement Durable) de Nice, illustrant les propos de Christian Devillers, s’est attaché de son côté à recenser les vecteurs de crise pouvant affecter un environnement urbain en s’appuyant sur l’exemple emblématique de la métropole niçoise, exposée à tous les risques naturels existants : inondations fluviales (2000), ruissellement urbain (2003), risques météorologiques imprévisibles (orages, chutes de neige brutales, vents violents, vagues submersives et risques de tsunami, canicules,séismes (classée en zone 4 de systémicité sur une échelle de 5), incendies (270 ha détruits par les flammes en 2003 à Cagnes-sur-Mer), éboulements de terrain chroniques et risques mineurs industriels (200 installations
répertoriées comme dangereuses).
« Face à un environnement à haut-risque comme celui de Nice, il s’agit avant tout en terme de résilience d’intégrer tous ces facteurs et ces enjeux dans un plan de prévention des risques naturels pour éviter de nombreuses catastrophes et en minimiser d’autres, imprévisibles à l’avenir. »

Quels types de résiliences coexistent dans l’espace urbain ?

Confortant les propos de ses prédécesseurs, Christine Voiron, Professeur, Université de Nice Sophia Antipolis/CNRS UMR Espace Nice explique que « la première composante de la résilience urbaine est bien la capacité d’un système collectif à intégrer une perturbation dans son fonctionnement et à décider, soit de résister à la crise en le combattant par l’instauration de dispositifs de protection illusoires, soit d’accepter le risque en réajustant les actions au nouveau contexte. »

Dès lors, deux types de systèmes coexistent :
- Une résilience spécifique passive visant la stabilité et la sécurité de la ville
- Une résilience générale dynamique, flexible, réversible, capable de faire face
à l’imprévisible et de s’adapter pour survivre selon le principe Darwinien.
Les liens interculturels tissés entre les villes depuis le 17ème siècle ont favorisé leur croissance et la démultiplication des risques systémiques ont légitimé l’existence d’un réseau des villes résilientes interconnectées. Officialisé en 2013 par la Fondation Rockfeller au forum de Davos, il réunit aujourd’hui 80 villes-phares à travers le monde dont Paris pour la France. La Résilience est bien devenue le nouvel enjeu stratégique prioritaire des Gouvernances mondiales !

Comment réagir face aux risques et améliorer la résilience urbaine ?

Co-fondateur et CEO de la start-up OptiCits.com, Ignasi Fontanals Vidal explique qu’en Espagne, le terme de résilience qualifie surtout la faculté de rebondir après une crise et de saisir les opportunités se présentant pour augmenter la résilience des villes*grâce à des systèmes innovants.
Preuves à l’appui :

-Le programme CRPP de la UN-Habitat permettra à des villes isolées très pauvres en se connectant au réseau européen de prendre un nouvel essor,
-Le réseau UNISDR qui relie 2000 villes à travers le monde afin de partager des réseaux de communication institutionnels, des process de régulation procédurale et développer des systèmes d’alerte précoce en cas de risque.
- L’exemplarité aujourd’hui du plan d’interventions urgentes de la ville de Barcelone démontrant sa flexibilité, son adaptabilité et sa capacité à puiser en elle des ressources insoupçonnées pour faire face aux événements en cas de crise.

Comment réagir face aux risques et améliorer la résilience urbaine ?

Supervisé par un Conseil de la Résilience, un projet a été mis en oeuvre après un black-out paralysant toute l’économie urbaine de Barcelone durant plusieurs jours en 2007. Il permet désormais aux institutions et aux citoyens d’avoir une vision globale concertée de la ville, par une action réactive d’éviter les effets en cascade impactant différentes infrastructures et services urbains en cas de crise et de façon générale de mieux anticiper les aléas climatiques, sociaux et industriels.

Réflexion prospective : imaginer la ville résiliente de demain …Avec ou sans la participation de ses citoyens ?

Bénédicte Grosjean, Dr.IR.Architecte-urbaniste, enseignant-chercheur à l’ENSAP de Lille (laboratoire LACTH) invite les participants à une réflexion sur le réel pouvoir des systèmes et dispositifs de résilience « scientifique » qui visent à maîtriser un nombre toujours plus grand de facteurs, à réduire au maximum les incertitudes tout en cherchant à minimiser les effets-dominos.

Un postulat en contradiction avec la notion même de résilience qui consiste à accepter la complexité et l’incertitude comme faits.
Dès lors, la Ville résiliente doit-elle défendre des aspirations plus hautes sur un mode ascendant (bottom-up) et se construire de manière incrémentale en privilégiant diversité sociale, interconnexions, libertés individuelles, participation citoyenne active sur le principe du « faire avec » ? L’existence d’alternatives garantes de stabilité, ne pourrait-elle constituer le fondement durable de la Ville Résiliente de demain ?

Le projet de rénovation urbaine « Pile Fertile » expérimenté actuellement dans un quartier de Roubaix en est une bonne illustration. L’équipe d’architectes-urbanistes en charge du programme a décidé de réaliser ce projet de façon progressive en interactions avec les habitants : le futur parc démarre ainsi par un jardin « apprentis » qui fournit des légumes au Resto-Pile lequel assure les repas des « cafés citoyens ». La participation collective aux travaux est sollicitée, le but étant qu’elle devienne qualifiante pour les jeunes. Un processus d’implication sociétale alliant éducation, économie solidaire et environnementale qui représente une alternative intéressante de résilience urbaine.

Conclusion : Quels challenges devra relever la Ville résiliente pour s’imposer ?

La Ville résiliente reste paradoxale, alternant nomadisme et sédentarisation interurbaine, interopérabilité et systèmes fermés.
Pour Alain Bourdin, sociologue-urbaniste, « son plus grand défi sera :
-d’associer la nature à ses schémas directeurs
-d’intégrer la variable imprévisibilité dans ses systèmes techniques
-d’apprendre à mieux réguler ses flux pour maintenir un équilibre pérenne
-de développer sa capacité à faire face aux risques et sa créativité pour être plus forte
-d’intensifier le déploiement mondial des villes en réseaux de façon transversale et interdisciplinaire.
Cette dynamique ne pourra enfin prendre corps que si la Ville s’appuie sur les citoyens par une mobilisation en continu autour de projets sociétaux fédérateurs, les transformant en véritables acteurs de sa Résilience. »

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