L'austérité permettra-t-ell

L’austérité permettra-t-elle à la France de réduire son déficit public en deux ans ?

La France a obtenu un nouveau délai de deux ans pour ramener son déficit public sous la barre des 3 % du PIB. Mais en contrepartie, de nouvelles mesures de rigueur sont exigées à très court terme.

En 2014, le déficit public de la France s’élevait à 4,4 % du PIB et la dette publique à 95 %, c’est-à-dire bien loin des limites fixées par le Pacte de stabilité (3 % du PIB pour le déficit public et 60 % pour la dette). Rappelons à cet égard que rares sont les États membres de la zone euro à respecter actuellement ces deux conditions. Toujours est-il que la dynamique des comptes publics en France inquiète particulièrement la Commission européenne, qui vient d’exiger un retour rapide sous les limites fixées par les Traités.

Prévisions et nouvelles exigences

En contrepartie d’un nouveau délai de deux ans, la Commission européenne exige de la France qu’elle respecte le calendrier suivant de décrue du déficit public : 4 % en 2015, 3,4 % en 2016 et 2,8 % en 2017. C’est donc un effort bien plus important que celui fixé par Michel Sapin, qui prévoyait 4,1 % en 2015, 3,6 % en 2016, puis moins de 3 % en 2017.
Par ailleurs, Bruxelles exige de la France qu’elle accélère le rythme de réduction du déficit public structurel, calculé en enlevant l’impact de la conjoncture sur les comptes publics. En effet, selon les services de la Commission européenne, la réduction ne serait que de 0,3 % en 2015, au lieu de 0,5 % requis. En pratique, pour y arriver, le gouvernement français devra donc trouver 4 milliards d’euros sous trois mois, sous forme de gels de crédits supplémentaires et de nouvelles coupes dans les dépenses publiques, à défaut d’augmenter les impôts. L’espoir que la loi Macron puisse satisfaire la Commission européenne vient, par conséquent, définitivement de s’évanouir, mais laisse un goût amer à de nombreuses professions en France…

Un délai très politique

Au moment où les négociations entre l’Eurogroupe et la Grèce atteignent un point de tension extrême, il est difficile de comprendre le traitement accordé à la France, qui risquait tout de même jusqu’à 0,2 % du PIB de pénalités financières, soit 4 milliards d’euros. Et ce d’autant plus que dans l’esprit des dirigeants européens, le respect du Pacte de stabilité est la condition sine qua non de la pérennité de la zone euro.
Ce délai démontre que les questions économiques sont avant tout des questions politiques. Quel signal la nouvelle Commission Juncker aurait-elle en effet donné si elle avait d’emblée sanctionné un des membres fondateurs de la Communauté européenne ? De plus, si la France, deuxième économie de la zone euro, venait à plonger en récession, en raison de mesures d’austérité trop sévères, ce serait toute la zone euro qui vacillerait.

L’austérité ne permet pas de réduire le déficit public

Mais on peut raisonnablement s’interroger sur le bien-fondé des mesures de rigueur, qui ne permettent visiblement pas de réduire le déficit public autant qu’espérer. Ainsi, après 50 milliards de coupe dans les dépenses publiques prévues sur trois ans (19 milliards d’euros au niveau de l’État, 21 milliards pour la Sécurité sociale et 10 milliards d’euros pour les collectivités locales), on évoque à présent 30 milliards supplémentaires à trouver au plus vite…

Or, contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas quelques dépenses de fonctionnement inutiles qui vont être coupées, mais bien des dépenses d’intervention et d’investissement. Cela aura des conséquences sur les recettes futures de l’État, puisqu’une partie des dépenses publiques influence directement le fonctionnement d’autres agents économiques au travers des subventions, allocations, etc. Ces derniers consommeront et investiront par conséquent moins, ce qui débouchera sur de moindres rentrées fiscales pour l’État et la nécessite de prendre de nouvelles mesures d’austérité.
Cet enchaînement, appelé « multiplicateur des dépenses publiques », est bien documenté en économie. Ainsi, dans le cas de la France, si le gouvernement cherche à réduire le déficit public par une baisse des dépenses publiques de 1 % du PIB, alors le PIB diminuera d’environ 1,5 %. Hélas, cette baisse de production réduira également les recettes fiscales de l’État à hauteur de 0,7 % du PIB. En fin de compte, la baisse initiale des dépenses publiques de 1 % du PIB n’aura permis de réduire le déficit public que de 0,3 % du PIB et non pas de 1 % comme escompté... D’où de nouvelles mesures de rigueur l’année suivante, qui font entrer l’économie dans le cercle vicieux de l’austérité.

Et si l’on commençait par récupérer les recettes qui manquent au budget en raison d’une fiscalité mitée par les niches fiscales et de l’évasion vers les paradis fiscaux ?

Par Raphaël DIDIER

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