Relations commerciales :

Relations commerciales : ce que va changer la loi Macron (1/2)

Après un parcours législatif agité comprenant l’engagement à deux reprises de la responsabilité du Gouvernement (art. 49.3 de la Constitution) devant l’Assemblée nationale et la saisine du Conseil constitutionnel, la loi pour « la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » a été promulguée et publiée au J.O du 7 août dernier. Revue des principales mesures de droit économique de la loi Macron.

Droit de la concurrence

Rapprochements entre centrales d’achat et/ou de référencement. Le texte instaure une obligation d’information préalable de l’Autorité de la concurrence sur ces rapprochements (nouvel art. L. 462-10 du Code du commerce). L’obligation porte sur tout accord visant à négocier de manière groupée l’achat ou le référencement de produits ou la vente de services à des fournisseurs, au moins deux mois avant leur mise en œuvre. Elle s’applique sous condition relative à la réalisation de chiffres d’affaires fixés par décret.
Cette disposition est la conséquence directe de l’actualité relative aux rapprochements à l’achat dans le secteur de la grande distribution.

Contrôle des concentrations. Les moyens de l’Autorité de la concurrence sont renforcés en matière de procédure (dérogations, suspension ou extension de délai d’instruction, injonctions aux parties n’ayant pas exécuté dans les délais fixés un engagement figurant dans sa décision, …).

Pouvoirs d’enquête de l’Administration renforcés. Elle pourra exiger la communication et obtenir ou prendre copie, par tout moyen et sur tout support, des livres, factures et autres documents professionnels de toute nature, propres à faciliter leurs enquêtes de concurrence.

Pratiques anticoncurrentielles. Le texte instaure une procédure de transaction, dans le cadre de laquelle le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence peut soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et maximal de la sanction envisagée. Il prévoit une modification de la procédure de clémence devant l’Autorité de la concurrence permettant à une entreprise de dénoncer les pratiques anticoncurrentielles auxquelles elles participent, en vue d’obtenir une immunité ou une réduction d’amende.

Réseaux de distribution

Echéance des contrats conclus entre un exploitant et « promoteur » dans un réseau de distribution. Tous les contrats doivent prévoir désormais une échéance commune : l’ensemble de contrats « ayant pour but commun l’exploitation d’un magasin de commerce de détail », conclus entre une tête de réseau et un exploitant doivent prendre fin à la même date. De ce fait, toute clause de nature à « restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale » de l’exploitant après la cessation du contrat est non valable.
Le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution ces dispositions (art. 31 de la loi Macron) estimant que, d’une part, elles poursuivent un objectif d’intérêt général en assurant un meilleur équilibre contractuel entre les parties et que, d’autre part, elles ne portent pas une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté contractuelle et aux conventions légalement conclues.
Ces dispositions entreront en vigueur à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la date de promulgation de la loi, soit le 6 août 2016.
Le texte définitif de la loi Macron a supprimé la limitation à neuf ans maximum des contrats conclus dans le cadre d’une activité de commerce de détail entre un exploitant et un promoteur de réseau.

Pratiques restrictives de concurrence

En ce qui concerne l’obligation d’établir une convention récapitulative entre des distributeurs et leurs fournisseurs, laquelle formalise le résultat de leur négociation commerciale, la loi crée un régime particulier pour les grossistes avec une convention récapitulative « allégée ».
En matière de sanction de certaines pratiques restrictives de concurrence, la loi modifie le montant de 2 millions d’euros de l’amende civile prévue à l’article L. 442-6, III du Code de commerce, laquelle peut ainsi être portée :
- soit au triple du montant des sommes indûment versées,
- soit, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 5% du chiffre d’affaires réalisé en France par l’auteur des pratiques incriminées.

Délais de paiement. Le délai de paiement maximal est fixé à 60 jours à compter de la date d’émission de la facture. Par dérogation, un délai maximal de 45 jours fin de mois, à compter de cette même date, peut être convenu entre les parties, sous réserve qu’il soit « expressément stipulé par contrat » et ne constitue pas un « abus manifeste » à l’encontre du créancier.
Par ailleurs, un délai de paiement particulier est prévu pour les ventes de produits ou les prestations de service relevant de secteurs dont l’activité présente « un caractère saisonnier particulièrement marqué ».
La loi modifie également les dispositions relatives à l’obligation pour les sociétés dont les comptes sont certifiés par un commissaire aux comptes de publier des informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs et de leurs clients.
Enfin, le texte autorise le gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de sa promulgation, toute mesure afin de permettre le développement de la facturation électronique.

(A suivre : les mesures concernant les relations avec les consommateurs)

Photo de Une : PETIT TESSON-POOL/SIPA

Pouvoirs d’investigation de l’Autorité de la concurrence : les mesures censurées
Si le Conseil constitutionnel a considéré que la loi n’avait pas été adoptée selon une procédure contraire à la Constitution, il a cependant jugé contraires à la Constitution ses articles 39 et 216.
L’article 39 permettait à l’Autorité de la concurrence d’adopter des mesures d’injonction structurelle, telle une cession de magasins, visant les entreprises en position dominante dans le secteur du commerce de détail. Pour le Conseil, il en résultait une atteinte disproportionnée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre, en raison :
- des conséquences pour les entreprises concernées en matière de fixation des prix, de modification de leurs accords et de cession de leurs actifs, alors même que leur position dominante a pu être acquise par les mérites et qu’elles n’ont commis aucun abus ;
- de l’application de ces dispositions à l’ensemble du territoire et à l’ensemble du commerce de détail, alors que l’objectif du législateur était de remédier à des situations particulières dans le seul secteur du commerce de détail alimentaire.
L’article 216 permettait à l’Autorité d’obtenir auprès des opérateurs de communications électroniques la transmission de données de connexion (« fadettes »). Le Conseil l’a censuré, faute de garanties propres à assurer une conciliation équilibrée entre le droit au respect de la vie privée, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions.

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