Le PIB et le robot

Le PIB et le robot

L’évolution du PIB, que l’on appelle communément croissance – même lorsqu’elle est négative – mesure-t-elle efficacement le progrès d’une société ? Voilà longtemps que les économistes ont admis les carences de cet indicateur pour étalonner le bien-être des populations. Et qu’ils ont proposé de nouveaux thermomètres, plus ou moins séduisants, plus ou moins sophistiqués, plus ou moins ésotériques, mais tous relégués sur l’étagère des curiosités. Produire toujours plus de richesses demeure l’objectif pressant de l’ensemble des nations, qui redoutent comme la peste la survenance d’une récession. Pour de solides motifs : un tel scénario délabre les comptes publics, déjà mis à mal par de longues pratiques de gestion irresponsable, surtout dans les pays anciennement dits riches. Si bien que toute politique vise à générer à n’importe quel prix une augmentation de la production, dans une fuite en avant que chacun sait vaine, car mécaniquement bornée par l’épuisement des ressources naturelles de la planète et les contraintes environnementales. Mais il n’est pas facile d’abandonner un modèle que l’on sait pourtant condamné : l’actualité en apporte chaque jour la démonstration…

Avec le pragmatisme qui la caractérise, la Chine vient d’expérimenter dans ses provinces un système inédit « d’évaluation de la qualité du PIB ». Qui accorde une large part au développement social et à la gestion gouvernementale. On ne renonce pas au quantitatif que mesure le PIB : l’argent de la production continue de faire le bonheur des comptes nationaux. Mais on introduit officiellement une notation qualitative de cet enrichissement comptable : les Chinois sont en train de réinventer l’économie politique, que nous avons répudiée au profit d’une discipline abusivement nommée science économique. Cette novation leur sera rapidement très utile. Foxconn, le géant taïwanais de composants électroniques (1.2 million de salariés), vient de trouver la parade à une vague de suicides parmi ses effectifs, qui témoigne du climat social dans l’entreprise et ternit sa réputation. D’ici trois ans, c’est-à-dire demain, la firme installera 1 million de robots en remplacement de ses employés. Le PIB s’en trouvera amélioré. Mais les évaluateurs chinois devront répondre à cette question lancinante : est-il plus confortable d’être un esclave de Foxconn ou un chômeur sans le sou ?

La recette du jour

Technologie managériale

Vous êtes fatigué des récriminations incessantes de vos employés. Qui se plaignent d’une pression écrasante et de salaires chétifs. Ne délocalisez pas : c’est une option politiquement incorrecte. Vendez plutôt votre entreprise aux Chinois. Ils sont moins patients que vous et remplaceront les salariés par des robots. Apprenez alors le mandarin et montez un syndicat pour automates.

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