Discrimination salariale : à quelques centimes près…
- Par Estelle Trichet --
- le 19 août 2024
Les employeurs doivent veiller au respect de l’égalité de rémunération entre leurs salariés. Estelle Trichet, co-responsable du groupe de travail Social de Walter France, alerte les dirigeants sur une jurisprudence qui a condamné une entreprise pour une différence minime de salaire qu’elle n’a pas pu justifier.
En 1996, la Cour de Cassation a posé le principe « à travail égal, salaire égal », qui consiste à viser l’égalité de rémunérations entre les salariés ayant une situation identique au sein d’une société.
Par rémunération, il faut entendre le salaire et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier.
Les différences de traitement doivent être justifiées par des raisons objectives
En conséquence, l’employeur doit appliquer une égalité salariale pour tous les salariés placés dans une situation identique, c’est-à-dire ayant le même poste, les mêmes tâches et les mêmes responsabilités.
Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, ou un ensemble comparable de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.
Le Code du travail et la jurisprudence ont admis que certaines raisons objectives pouvaient justifier la différence de traitement entre deux ou plusieurs salariés, notamment les diplômes attestant de connaissances spécifiques nécessaires à l’exercice de la fonction occupée, l’ancienneté (si celle-ci n’est pas déjà prise en compte par le versement d’une prime d’ancienneté), l’expérience professionnelle, la réalisation de tâches plus larges avec une technicité particulière, les responsabilités (par exemple un rôle d’encadrement), ou les qualités professionnelles.
Dans cette affaire tranchée par la Cour de cassation en 2024 (Cour de Cassation. 14 février 2024, n° 22-10.513), un salarié, reconnu travailleur handicapé depuis 1998, est engagé en qualité d’aide bobineur à compter du 16 juin 2005 par une papeterie industrielle. Il a été licencié le 16 novembre 2016 pour motif disciplinaire. Il a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail, dont des dommages-intérêts pour discrimination salariale.
La Cour d’appel de Nancy, en 2021, lui donne raison, en déduisant l’existence d’une discrimination de la seule différence de 10 centimes par heure entre le montant d’une prime versée au salarié et celui alloué à un autre membre du personnel.
Une égalité salariale absolue doit être respectée
La Cour d’appel qui, après avoir relevé que le salarié se plaignait d’une discrimination salariale fondée sur sa situation de travailleur handicapé, a constaté que sa rémunération était inférieure à celle de son collègue de travail accomplissant le même travail, faisant ainsi ressortir que cet élément laissait présumer l’existence d’une discrimination.
La Cour de cassation a validé la décision de la Cour d’appel qui a estimé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que l’employeur ne démontrait pas que cette différence de traitement était justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination en raison du handicap.
Pour Estelle Trichet : « Les employeurs doivent être particulièrement vigilants sur le respect de l’égalité de traitement entre les salariés, et particulièrement lorsque des différences même minimes de rémunération ne pourront pas être justifiées par l’une des raisons objectives indiquées en préambule. »