Il est temps de changer de braquet
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 19 juillet 2024
La Ve République a été voulue par le général de Gaulle avec un président fort et avec un gouvernement soutenu par une large majorité à l’Assemblée. Elle a parfaitement fonctionné sur ces principes pendant 65 ans, assurant sans douleur des alternances droite-gauche, et même des cohabitations relativement pacifiques entre des hôtes de l’Élysée et de Matignon n’étant pas (du tout) sur la même longueur d’onde.
Si ce modèle, souvent critiqué, n’est pas forcément encore arrivé à bout de souffle, il ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui des trois gros blocs – NFP, centre-droit, RN – que tout oppose et qui vont avoir bien du mal à trouver le plus petit commun dénominateur pour faire tourner la machine. Ajoutez à cela des positions de principe, des égos boursouflés, les petits intérêts des partis, et vous obtenez la pétaudière actuelle, droite et gauche étant dans l’incapacité de désigner un champion consensuel. C’est justement ce que les pères de la Ve avaient voulu éviter...
Le blocage politique est patent. Après des législatives calamiteuses pour son camp, l’autorité du président est laminée. Le futur gouvernement, quel qu’il soit, sera à la merci de la première motion de censure partagée par deux des trois blocs. Matignon sera plus que jamais un siège éjectable.
Est-ce pour autant une catastrophe ?
Pas vraiment.
Nos amis belges, allemands, suédois et italiens ont démontré par l’absurde qu’un État peut fonctionner pendant des mois sans ministres intègres et conseillers vertueux. Comme un canard à qui l’on a tranché la tête, le char administratif continue son bonhomme de chemin.
Dans les pays du nord de l’Europe, les gouvernements sont formés de coalitions qui s’entendent sur un programme minimum. En Allemagne, par exemple, le pragmatisme finit toujours par l’emporter même si les accords de gouvernement demeurent un combat. Que l’on sache, nos voisins d’outre-Rhin ne s’en portent pas plus mal. Mais notre caractère latin fait de passion(s) n’incline pas à la modestie politique et à la demi-mesure.
Peut-être est-il temps de dépoussiérer nos institutions, voire de passer à une VIe République aux contours mieux adaptés à cette nouvelle ère qui s’ouvre devant nous. Le sujet a déjà fait débat par le passé, mais il est alors apparu comme opportuniste et plein de calculs sous tendus. Tout comme la proportionnelle, toujours suspectée d’arrière-pensées. C’est maintenant le moment pour relancer ce qui n’est pas encore un « projet », mais qui peut très vite le devenir si l’on arrive, comme c’est probable, à des blocages.
Jean-Michel CHEVALIER