L'Oncle Sam en faillite

L’Oncle Sam en faillite

  • le 26 août 2010

Maintenant que les effets bienfaisants de la transfusion financière du TARP se dissipent, la réalité douloureuse reprend ses droits aux Etats-Unis. L’Etat fédéral s’achemine vers des déficits abyssaux et nombre d’Etats fédérés sont en difficulté. La FED fait tourner la planche à billets à plein régime. Voici venus les temps de l’agonie du dollar.

Il semblerait que la Grèce ait obtenu une green card pour les Etats-Unis et qu’elle se soit définitivement installée Outre-Atlantique. Le pronostic établi depuis longtemps dans ces colonnes est en train de devenir évident aux yeux de tous : à savoir que les States sont exsangues et qu’il n’existe pas de solution miracle pour un retour à la normale conforme aux canons ordinaires de l’orthodoxie libérale. La crise en cours a été déclenchée par un endettement excessif dont une large part est objectivement irrécouvrable : la vertu et le bon sens auraient alors commandé de le reconnaître. Et donc de passer les créances correspondantes par pertes et profits dans les livres des prêteurs. Certes, une telle opération comptable eût envoyé au tapis bon nombre d’établissements financiers, selon le schéma tant redouté des cataclysmes systémiques, qui ont pour effet de déstabiliser également les firmes saines. Au nom de l’intérêt général, il fut alors décidé de secourir, sur fonds publics ou avec la garantie étatique, les banques directement responsables d’une distribution de crédit dépourvue de discernement, et de la titrisation d’une large partie de ces crédits virtuels. Cette dernière opération consistant à refiler la patate chaude à des investisseurs avides de placements juteux, à ce titre trop peu regardants sur la qualité de la marchandise. Nous avons ici, en son temps, défendu l’idée que le « sauvetage » du système, c’est-à-dire la prévention du risque systémique, ne pouvait passer que par le cautionnement public des ménages défaillants : l’enveloppe concernée par les « subprimes » était alors d’environ 1.000 milliards de dollars aux Etats-Unis. C’est beaucoup d’argent, convenons-en. Mais cela ne signifie pas que l’Etat fédéral aurait eu à décaisser ce montant. En tout cas, ses contributions auraient été étalées dans le long terme (les emprunts immobiliers sont généralement souscrits sur 30 ans). Au lieu de cela, les States choisirent de subventionner directement les banques et, d’aides directes en plans de soutien à l’économie, l’enveloppe publique a déjà pulvérisé les 1.000 milliards, empruntés sur le marché ou généreusement attribués par la Banque fédérale grâce à la facilité sulfureuse de la planche à billets. Le semblant de reprise occasionné par cette généreuse perfusion de fonds publics s’étiole maintenant sous nos yeux. La descente aux enfers commence. Même le Secrétaire au Trésor Tim Geithner, pourtant propagandiste patenté, a mis un peu d’eau dans sa méthode Coué : « Nous vivons dans une des économies les plus riches du monde, mais un Américain sur huit dépend des coupons alimentaires aujourd’hui » a-t-il récemment déclaré. Cela fait en effet beaucoup de gens démunis pour « une des économies les plus riches du monde ».

L’agonie du dollar

La stratégie adoptée a produit les effets que l’on devait raisonnablement en attendre : les crédits à l’économie productive se sont asséchés (au profit de l’économie financière), fragilisant les entreprises et accroissant le chômage. Les ménages les plus exposés sont ainsi étrillés et jetés à la rue lorsqu’ils avaient acquis leur logement à crédit ; par corollaire, les prix immobiliers s’effondrent, contribuant à réduire la solvabilité de tous les propriétaires. Il en résulte que la Maison-Blanche envisage maintenant de procéder à un deuxième sauvetage – celui qui a été refusé à l’origine : une subvention directe aux emprunteurs immobiliers défaillants. Le principe du programme HARP (Home Affordable Refinance Program) avait été validé sous l’administration Bush, ce qui permet à l’équipe actuelle de l’activer sans solliciter le Congrès. L’évaluation officielle fait état d’une enveloppe de… 800 milliards de dollars de crédits, que l’Etat fédéral devra, dans cette hypothèse, financer en totalité, dès lors que la situation des emprunteurs s’est fortement dégradée depuis le début de la crise. Cela revient à faire payer le contribuable deux fois pour la même chose (le programme TARP a mobilisé 740 milliards). Selon les estimations actuelles, les USA s’acheminent cette année vers un déficit budgétaire de 1.500 milliards de dollars environ, soit plus de 10% du PIB. Avant mise en œuvre du HARP, bien entendu. Parallèlement, les finances des Etats fédérés sont catastrophiques. Il a fallu tirer les membres du Congrès de leurs vacances estivales pour leur faire voter une aide d’urgence à ces Etats, si l’on veut pouvoir payer les enseignants à la rentrée scolaire, financer le système de soins Medicaid et éviter de devoir licencier ce qui reste de pompiers et policiers, après les dégraissages récents. Ce n’est pas encore la Berezina, mais on y vient. Faute de vraiment figurer au rang des « économies les plus riches du monde », les Etats-Unis occupent d’ores et déjà la pole position au classement des nations les plus lourdement endettées, avec des perspectives certaines de détérioration. Il leur faudra bientôt éditer des coupons d’alimentation au même rythme que la FED imprime du dollar. Cela signifie que le pilier du système financier mondial s’achemine inéluctablement vers l’effondrement. Voilà pourquoi le FMI travaille activement sur l’hypothèse de création d’un « bancor » à la mode keynésienne, appelé à se substituer à un billet vers en voie de combustion rapide. Accrochez vos ceintures : l’ère des grands désordres monétaires va commencer.

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