Emergence de l'humour

Emergence de l’humour chinois

Ah, l’humour anglais, c’est quelque chose. Ou plutôt c’était. Le nonsense se cultivait dans les bonnes écoles de la high society ; il faisait de l’aristocratie british une espèce vraiment à part, capable de tisser des raisonnements absurdes avec une rationalité sans faille, capable de masquer ses sentiments vénéneux sous le fard d’une autodérision spirituelle. Il en est résulté des œuvres immémoriales : celles de Lewis Caroll et d’Oscar Wilde, celles de Jonathan Swift, de George Bernard Shaw ou de Beckett pour la touche irlandaise. Depuis, l’humour anglais s’est singulièrement altéré. Quelques traces anciennes dans le cinéma avec Kubrik avant l’arrivée de la Grosse Bertha dans le comique : les Monty Python puis leurs descendants dégénérés à la Benny Hill ou autres Mr Bean. Sans les rires préenregistrés, vous ne pouvez pas deviner ce qui est drôle. Il ne reste plus aujourd’hui que de rares représentants officiels : le Premier ministre, David Cameron, qui a fait sa formation dans une public school pour représentants de commerce et qui se taille un franc succès auprès de ses copains de pub ; et puis Sa Majesté la Reine, bien sûr, qui perpétue l’authentique tradition de l’humour anglais. Avec ses chapeaux. On prétend qu’elle a recruté le Chapelier d’Alice au pays des merveilles, sans acquitter le moindre droit d’auteur aux héritiers de Lewis Caroll. Elle est vraiment impayable, Babeth II.

Aujourd’hui, la société anglaise tout entière se concentre à la City. C’est le seul endroit d’Angleterre où la ségrégation n’existe pas : se côtoient les rejetons de grandes lignées et les marlous de banlieue, les uns ayant adopté les mauvaises manières des autres, et vice versa. Le tripot de la City fait vivre le Royaume et ses croupiers sont convaincus qu’ils vont rafler la mise des nouveaux riches asiatiques. Ce serait un joli coup, convenons-en. Mais les émergents ne sont pas aussi rustiques qu’ils y paraissent, même s’ils sont hermétiques au nonsense. On peut même constater que l’humour des Chinois ne manque pas de piquant. Pendant qu’ils taillent des croupières aux capitalistes occidentaux, raflent leurs industries est installent leur finance sulfureuse un peu partout dans le monde, Pékin organise des compétitions propres à faire briller les nations anciennement riches. C’est ainsi que le week-end dernier, Philip Osenton, un Anglais pur jus, a triomphé d’une épreuve qui démontre sans coup férir la supériorité britannique : il a réussi à tenir 51 verres dans une seule main, battant ainsi le record du monde de la productivité sommelière. Pendant qu’ils achètent à livre ouvert tous les vignobles et tous les négociants disponibles, qu’ils sifflent tous les grands crus avec ardeur, les Chinois récompensent la performance des domestiques qui leur servent à boire. Démontrant ainsi la supériorité de leur humour sur celui des colons anglais, qui ne furent pas vraiment bienveillants à l’égard du petit personnel. Les Londoniens emploient aujourd’hui des bonnes pakistanaises ; les Pékinois des sommeliers anglais. Tous deux efficaces, et pas chers du tout.

La recette du jour

Métier d’avenir

Vos enfants ambitionnent de faire carrière dans la finance. Découragez-les : même les Anglais ne sont plus assez retors pour y réussir. Orientez-les plutôt vers l’école hôtelière et les langues orientales. S’ils parviennent à tenir une caisse de Lafite Rothschild d’une seule main, leur avenir est assuré comme sommelier d’une maison bourgeoise chinoise.

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