Le vote des marchés

Le vote des marchés

« La Justice, c’est quand on gagne le procès » disait Samuel Johnson, qui ne connaissait rien au droit mais ne manquait pas d’humour. Sa définition pourrait se transposer à la démocratie. La démocratie, c’est quand les élections donnent un résultat convenu. Ou politiquement correct, si l’on préfère. Pas comme les législatives partielles dans le Schleswig-Holstein, qui ont dépouillé la faction de dame Merkel et renforcé, en Allemagne, les velléités contestataires. Pas comme les législatives grecques, qui ont totalement sinistré les grands partis de la coalition au pouvoir et fait émerger une myriade de formations violemment protestataires. Mais il faut bien reconnaître que partout en Europe, chaque élection envoie au tapis la majorité en place : à croire que les populations n’adhèrent pas vraiment aux politiques d’austérité qui ont partout été décidées. Ce qui confirme le vieil adage selon lequel on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre.

C’est apparemment la même démarche qui a disqualifié notre Président sortant au profit de son opposant socialiste. Lequel a expressément mis en cause le paradigme de l’austérité tout en sacralisant la nécessité d’un retour rapide à l’équilibre budgétaire – par réduction de la dépense publique et augmentation de la fiscalité, ce que l’on appelle ordinairement l’austérité. Le tout mâtiné d’un « pacte pour la croissance » à conclure avec nos frères en Europe. En d’autres termes, une stratégie d’investissement qui soit compatible avec une moindre dépense et un recours parcimonieux au crédit. Une accélération qui puisse s’accommoder d’un puissant freinage. Une sorte de potée corrézienne qui mêle la chèvre et le chou. D’évidence, il s’agit d’un concept totalement novateur, qui redore le blason de la politique, accusée d’être désormais dépourvue d’idées et de s’être inféodée aux intérêts des marchés. Il sera donc intéressant d’observer aujourd’hui le comportement des places financières, qui pourraient se montrer nerveuses face à l’outrecuidance de la population grecque, tentée d’apostasier les bonnes manières en envoyant paître ses dirigeants historiques et ses créanciers, et donner ainsi de mauvaises idées aux nations voisines. Car il est clair que dans le contexte présent, il n’est pas possible de satisfaire en même temps les électeurs et la finance. Cette dernière devrait donc aujourd’hui voter la défiance, en faisant méchamment rougir les indices boursiers…

La recette du jour

Démocratie bien tempérée

Vous partagez l’avis de Churchill sur la démocratie élective, tant que les élections donnent des résultats conformes à vos aspirations. Mais vous voyez bien que les scrutins européens produisent désormais des situations imprévisibles. Faites voter un dispositif démocratique interdisant les opinions contraires aux vôtres. Et exigez la fermeture du Parlement athénien.

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