Supplique à Dame Christine

Supplique à Dame Christine

Pourquoi donc, depuis hier, cette phrase nous trottait-elle dans la tête : « J’avais été coupable de cette basse incrédulité qui nous empêche de reconnaître la grandeur d’un homme que nous connaissons trop » ? Vous avez reconnu le style : c’est Hadrien qui parle, dans les Mémoires que lui a prêtés Yourcenar, dont le critique Pierre Assouline trouve la renommée « légèrement amidonnée » – une irrévérence qui le prive à jamais d’un fauteuil à l’Académie. Encore que : Rinaldi a consacré une bonne partie de ses brillantes perfidies à massacrer la Duras, qui jouissait alors de très hautes protections. Ce qui ne l’a pas empêché de siéger sous la Coupole. Enfin, bon, là n’est pas la question. De fait, la nuit ayant levé les ombres, on a saisi dès mâtines l’association d’idées. Il s’agissait en réalité d’une femme que nous connaissons trop, pour la voir occuper le moindre recoin disponible de l’espace médiatique, et qui achève en ce moment son marathon intergalactique au profit d’une noble cause : la sienne. Le fauteuil qu’elle ambitionne d’occuper revêt un prestige supérieur à celui d’un Académicien, en dépit des relents sulfureux que le précédent titulaire a laissés dans son sillage. Et le poste est assorti de bénéfices monoculaires que même un pur esprit ne saurait totalement négliger. Vous avez bien entendu reconnu notre candidate à la direction du FMI.

Pour que les dirigeants Européens, avec un ensemble touchant et pour tout dire inhabituel, aient proclamé leur foi en la candidature de Dame Lagarde, il fallait que tous fussent convaincus de son caractère irremplaçable pour un tel poste. Il semble en effet que notre Ministre soit la seule personnalité à cumuler toutes les qualités requises : être une femme, d’abord, qui ne soit pas suspecte de jouer à saute-soubrette ; comprendre les Américains, un talent qui ne s’acquiert que par une longue pratique professionnelle aux States ; parler aisément l’anglais, afin de pouvoir distiller avec aplomb, dans la langue universelle, autant de coquecigrues que dans sa langue maternelle. Et enfin, être « compétente ». Compétente en quoi ? L’offre d’emploi ne le précise pas. Mais le Secrétaire américain au Trésor vient de louer « l’expérience et les compétences de direction de la ministre Lagarde », faisant d’elle « une candidate exceptionnellement douée pour la Direction générale du FMI ». Mazette ! Venant de Tim Geilthner, l’éminence américaine qui a bidouillé le plan de sauvetage de Wall Street le plus effrontément roué de l’histoire du monde, et qui a défendu son hold-up avec la mauvaise foi éhontée d’un charbonnier apostat, voilà un coup de piston qui vaut adoubement. Ainsi donc, si la justice française ne se rend pas coupable de cette basse incrédulité qui l’empêche de reconnaître la blancheur colombine de notre Christine, l’affaire sera entendue. Est-ce bien raisonnable ? En ces temps difficiles, nous autres Français avons vraiment besoin de talents aussi exceptionnellement exceptionnels. S’il vous plaît, Madame Lagarde, restez avec nous !

La recette du jour

Don de soi

Vous avez, depuis votre plus jeune âge, compris qu’une carrière se bâtit sur un réseau. Vous avez pour ce faire pampérisé vos congénères, avalé des colonies entières de couleuvres, distillé autant de demi-vérités et de pieux mensonges que l’exigeait la prospérité du clan. Il est temps d’accéder au bâton de maréchal. Demandez et vous recevrez. Vous l’avez bien mérité : vous êtes exceptionnel.

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